Le forfait jours : ne pas se prendre les pieds dans le tapis !

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Le premier coup de semonce est venu du Comité européen des droits sociaux en 2010.
Les dispositions sur le forfait annuel en jours prévues par la loi du 20 août 2008 ne sont pas conformes à la Charte sociale européenne.
Depuis lors, les conseils de prud’hommes ont été saisis par des salariés, des cadres majoritairement, s’estimant lésés par le fameux forfait :
  • Nombre d’heures de travail anormalement élevé sans majoration salariale
  • Menace pesant sur la santé des salariés
  • Flou artistique dans les modalités de prise des jours de repos
  • Charge de travail exponentielle
Pour que les deux parties désirant contracter dans le cadre d’un forfait annuel en jour vérifient la validité de la procédure et des dispositions retenues, je vous propose une check-list.
Vérifiez que la mise en place du forfait jour répond aux différents points évoqués.
A défaut, revoyez votre copie pour éviter tout contentieux fâcheux…
Préalable :
 Existence d’un accord d’entreprise pour la conclusion d’un forfait jour ou d’option prévue par la convention collective dont dépend l’entreprise.
Il est impossible de conclure un forfait jour en l’absence d’accord d’entreprise ou de dispositions de la convention collective. L’accord d’entreprise est préférable car plusieurs conventions collectives sont dans le collimateur de la loi car elles ne prévoient pas de garanties suffisantes en faveur des salariés (chimie, commerce de gros, SYNTEC).
 L’accord prévoit le nombre maximum de jours travaillés par le salarié, les règles de suivi de ces jours, la surveillance de la charge de travail et le type de salariés concernés.
 Un accord individuel (convention de forfait) est signé avec chaque salarié concerné soit au moment de la signature du contrat de travail soit par avenant si le forfait jour est envisagé ultérieurement à l’embauche.
Attention !!! A défaut d’accord, le salarié peut demander le paiement d’heures supplémentaires, le forfait jour étant réputé non valide.
Pour qui ?
 Le salarié est un cadre disposant d’une autonomie dans l’organisation de son emploi du temps et dont la nature des fonctions ne le conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel il est intégré.
 Le salarié – qu’il soit cadre ou non – n’a pas de durée du temps de travail prédéterminée. Il dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps (commerciaux…).
Le candidat au forfait jour est donc un salarié autonome dans l’exécution de ses tâches et dans la gestion de son temps de travail.
Les cadres ne sont pas automatiquement éligibles du fait de leur statut.
Quel écrit pour conclure le forfait jour avec un salarié ?
 Un accord écrit et signé par l’employeur et le salarié prévoit le forfait jour. Il s’agit d’une « convention de forfait ».
 Le contenu obligatoire est le suivant :
  • Mention précise du nombre de jours travaillés sur l’année. Il est conseillé de prévoir la remise tous les ans d’une note au salariée l’informant des jours travaillés prévus, du nombre de jours de repos, des congés payés acquis. Par définition, ces éléments varient selon le calendrier de l’année concernée ce qui explique la nécessité de mettre à jour cette note année après année.
  • Possibilité de racheter des jours de repos. Ces jours sont obligatoirement travaillés contre une rémunération majorée (minimum de 10%). L’employeur doit être très attentif au respect de la sécurité et de la santé du salarié. Le rachat de jours de repos peut entrer en contradiction avec les dispositions légales de santé et de sécurité des salariés. Cette situation invalide le forfait.
  • Modalité de l’organisation annuelle d’un entretien individuel avec le salarié en forfait jour. L’entretien aborde la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, la rémunération. Une trace écrite des entretiens annuels (compte-rendu exhaustif signé des 2 parties) permet de prouver la bonne tenue de cet engagement.
  • Modalités de suivi pour garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié demeurent raisonnables. Le travail demandé doit être correctement réparti dans le temps.
  • Mise en place d’un décompte annuel du nombre de journées ou demi-journées effectivement travaillées
 La convention respecte les obligations suivantes :
  • durées maximales de travail : 10 h par jour, 48 h par semaine.
  • 11 h de repos minimal par jour/24 heures, travail ne dépassant pas l’amplitude de 6 jours par semaine, repos dominical.
Au-delà de la consignation de ces obligations, l’employeur doit vérifier que les missions du salarié lui permettent de les respecter. Le suivi de la charge de travail prend tout son sens. De plus, le Comité d’Entreprise est consulté sur le recours au forfait jour et sur les modalités de mise en place du suivi de la charge de travail. C’est obligatoire sous peine de tomber sous un délit d’entrave !
  • 218 jours de travail maximal sur l’année. Des exceptions sont possibles.
  • Attribution de jours de repos en sus des jours de congés payés légaux. Pour le calcul de ces jours de repos, utilisez la formule suivante :
365 jours (jours de l’année)– 218 (jours de travail maximal du forfait)– le nombre de jours de congés payés acquis par le salarié (25 dans la majorité des cas) – les jours fériés chômés de l’année (le 1er mai au minimum) – les samedis et les dimanches de l’année = jours de repos attribués au salarié pour l’année.
Ces jours sont librement utilisables par le salarié qui en fait usage selon les variations de son activité professionnelle et ses souhaits.
L’employeur ne peut pas décider de leur prise à sa convenance.
N’oubliez pas !
  • Les absences (maladie par exemple) d’un salarié en forfait jour sont traités somme les absences d’un salarié lambda : l’employeur ne peut pas reporter le nombre de ces absences sur le nombre de jours à travailler par le salarié. L’absence est décomptée de la rémunération.
  • Il est possible de conclure une « convention de forfait jour réduit » avec un nombre de jours travaillés inférieur à 218 jours (cas d’un congé parental d’éducation par exemple).
  • Il est possible dépasser le quota de 218 jours travaillés dans l’année en respectant certaines conditions :
  • Accord écrit du salarié
  • Respect de la limite fixé par l’accord collectif ou par la convention collective. A défaut, la loi prévoit un plafond de 235 jours.
  • Majoration de 10% minimum des jours travaillés en sus des 218 jours
Comme vous l’aurez compris, le recours au forfait jour doit demeurer l’exception et réclame une attention toute particulière dans sa mise en place et son suivi. Il en va de la sécurité et de la santé du salarié et de la responsabilité de l’employeur.
Les deux parties doivent se montrer des plus vigilantes pour une collaboration efficace et sereine.

Par Sandrine VIRBEL

Retrouvez Sandrine Virbel sur son blog : Le calepin RH de Sandrine.
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